jeudi 4 octobre 2012

Diet Hostel

Toutes les stratégies sont bonnes pour alimenter ce blog. Ma dernière trouvaille: un court séjour en bed and breakfast* avec chambres de 3 ou de 6 et toilettes sur le palier. Personnellement, on m'a attribué une chambre de trois, partagée avec une crise d'appendicite et une opération des intestins. Car oui, cet hébergement temporaire était un hôpital (Szent Istvàn Kòrhàz).

* en anglais, "fast" signifie jeûne...
 
Là, je fais la maline parce que c'est passé, mais ces derniers jours n'ont pas été toujours drôles, en fait.

Tout a commencé vendredi matin avant l'aube, quand j'ai cru que mes douleurs mensuelles régulières revenaient, avec trois semaines d'avance et des crampes terribles dans le bas ventre irradiant jusqu'aux reins. Ceci étant mon lot habituel, je me lève et vais au travail, comme d'habitude. Sauf qu'au lieu de me laisser un peu de répit au bout de quelques heures, les douleurs persistent et je me carapate à midi (horaire officiel hebdomadaire du début de mon week-end - soyez pas jaloux) et zappe une réunion syndicale. Un cachet et quatre heures de sieste plus tard, je vais mieux.

On travaillait samedi, donc j'y vais - après une nuit d'environ dix heures de sommeil, je vous laisse faire le calcul de l'heure à laquelle je me suis couchée après la sieste. Là, je recommence à avoir mal, de plus en plus, au point que je demande l'autorisation de rentrer prendre un cachet et dormir, vu que la veille ça avait été à peu près bénéfique. Même scénario, donc je suis assez en forme le soir pour aller à un concert (voir post précédent, où j'évoque déjà ces fameuses douleurs). Dimanche, grasse matinée très tardive puis répétition polyphonique avec deux amies. Au moment de partir, les douleurs reprennent. Il est plus de 20h, mes amies me conseillent d'aller à l'hôpital, "au moins tu sauras et puis en plus ils peuvent faire des analyses", on appelle les urgences qui nous dirigent vers un dispensaire.

Je m'y pointe avec Mlle R. et je me fais gronder parce que quand même, si j'ai mal depuis vendredi, quelle idée d'attendre le dimanche nuit, hein, non mais franchement. Surtout qu'avec le ventre, il faut faire attention, et puis si ça se trouve c'est une appendicite qui va virer en péritonite, bref, il faut aller au vrai hôpital très très vite. Ah. Et sinon, vous voulez pas reprendre ma tension maintenant que vous m'avez fait flipper grave? Elle devrait avoir bien grimpé. Petite consolation, le médecin m'a arrêtée une semaine et ne m'a pas fait payer, je crois qu'il m'a prise en pitié avec mon ventre douloureux et ma nullité en hongrois.

Nous prenons donc un taxi pour l'hôpital. Là, il faut frapper à une porte (s'il n'y avait eu personne dans la salle d'attente, Alien aurait pu déchirer mes entrailles sans que personne ne s'en rende compte) et l'attente commence. Puis c'est mon tour.


Heureusement, Mlle R. est là pour faire la traduction. Le médecin me parle en anglais-allemand-hongrois et la batterie de tests commence: prise de sang (1/2 l., l'infirmier s'excuse de m'avoir fait un peu mal, "nem problema", lui réponds-je), radio des poumons (euh, ok.), échographie. Et là, diagnostic: inflammation du colon. J'en profite pour vous informer qu'en cas d'urgence grave, vous ne pouvez pas aller faire des analyses parce qu'il faut marcher 5 minutes dans le noir pour atteindre le bâtiment radio/échographie:


Je pensais que cette inflammation allait me valoir une ordonnance et une tape amicale dans le dos, que nenni! Ils ont voulu me garder en observation au moins 24h en cas de perforation du colon. Ah. Vous aussi, vous devriez prendre ma tension. 
En fait, je crois que c'est justement pour ça qu'ils ne me l'ont pas mesurée, ils avaient peur que je ne fasse péter le tensiomètre.

Après une bonne crise de larmes discrètes et de panique ("mais je n'ai même pas mon liquide pour mes lentilles de contact ni même un bouquin, comment vais-je tenir durant cette épreuve sans mourir d'ennui?") je me range à l'avis médical et décide de rester. Un dimanche vers minuit dans un hôpital hongrois, pour une durée indéterminée. Gloups.

Je dis adieu à Mlle R., réclame un Xanax et une chemise de nuit, et on me dirige vers ma chambre. 2è étage par les escaliers (mais comment font-ils pour les brancards?), une chambre avec trois lits rien que pour moi. Je choisis la fenêtre, histoire d'avoir quelque chose à faire quand il fait jour. On m'annonce que je n'ai pas le droit de manger mais que je peux choisir de l'eau plate ou du thé (comprendre de la poudre chimique diluée dans de l'eau froide). "Thé!" m’écrié-je, comme d'autres s'exclament "C'est Byzance!" (en vrai, j'ai dit "kérek egy téat" et c'était le début de mes progrès fulgurants en hongrois).

Je m'endors malgré le bruit de l'ascenseur (en fait, il y en a un!) et je suis réveillée vers 3h par l'arrivée d'une compagne de chambre, Györgyi, qui est là pour suspicion d'appendicite. Je me rendors et vers tôt le matin, on vient me donner des cachets et me reprendre du sang. Tout ça en hongrois, car les infirmières qui s'occupent e ma chambre ne parlent pas anglais. La pauvre Orsi ne trouve pas mes veines, et me fait deux trous inutiles avant d'appeler sa collègue Timea, qui réussit à me prendre quelques tubes de sang frais.

Une troisième "colocataire" arrive en prévision de son opération, accompagnée par sa fille. Elle s'installe, elle pose même un petit napperon sur sa table de nuit, histoire de. Je commence à avoir faim et mes vœux sont exaucés avec l'arrivée imminente d'une "infuzio". Malheureusement, ce n'est pas un mot transparent et ce n'est pas une tisane qui m'attend mais une grosse aiguille pour perfusion. Ah. Orsi l'infirmière cherche une veine disponible et me fait encore deux trous pour rien (et là, ça fait vraiment mal) avant de m'envoyer Timea, qui me fait mal aussi mais parvient à me poser la perf. Du coup, je rassemble mon meilleur hongrois pour lui dire qu'elle est la reine de l'aiguille et ça la fait bien marrer. Tout ça en chouinant pas mal, il faut bien le dire, parce que je pensais à ma mère qui avait tellement mal à la moindre piqûre car son corps était épuisé à cause de son cancer et à qui j'ai dit adieu forever sur son lit d'hôpital. Ceci dit, ces pensées m'ont permis de relativiser ma situation et de me dire que j'allais aller très vite très bien et qu'il fallait que je prenne des photos pour un reportage documenté sur ce blog.


Dès que la chambre était vide, je volais des photos, et je vous présente dans l'ordre: la chambre, le système de gestion d'appel des infirmières avec cure-dent en guise d'interrupteur, mes pieds en mode "regardez les gens je suis en vacances au bord de la mer, les pieds dans le sable":


Et puis j'ai appelé à la rescousse M. B., à qui j'ai confié une liste longue comme ça de trucs à aller chercher chez moi pour que je m'occupe un peu - et que je brosse un peu mes dents et que je change de petite culotte, accessoirement. Il a bien assuré, et je n'ai pas voulu abuser en lui demandant de relaver le linge qui avait moisi depuis la veille dans la machine (après tout, ne sachant pas quand j'allais sortir, ce n'était pas la peine de faire moisir le linge deux fois).
Il m'a notamment apporté un rouleau de papier toilette, parce que figurez-vous qu'il n'y en avait pas à l'hôpital (ma voisine hyper organisée m'avait dépannée). Si vous prévoyez une hospitalisation en Hongrie, pensez donc au PQ, au savon, et aux couverts pour le moment tant attendu où ils vont vous nourrir (et où jamais la bouffe d'hôpital ne vous aura paru aussi... nourrissante?).

Je commençais à être bien installée et il ne me restait qu'on problème à résoudre: la dépendance à la nicotine. J'ai demandé à Orsi si je pouvais sortir fumer, elle m'a répondu que non à cause de la perfusion, mais qu'entre deux bouteilles de liquide, je pouvais aller fumer en cachette dans les toilettes. Ah. Ha! Je n'étais pas sûre d'avoir bien compris, mais Györgyi a confirmé. J'avoue que par la suite j'ai remarqué que les toilettes sentaient le tabac. Et au moment convenu, Orsi m'a libérée de ma perf et je suis allée tirer trois taffes comme une collégienne qui a peur de se faire prendre. Et puis j'ai pensé aux malades non fumeurs et je me suis dit que c'était abusé et que j'allais attendre de ne plus être reliée à un tube.

J'ai eu plusieurs visites de plein de médecins, mais celui qui venait le plus souvent parlait français (ô miracle), m'a annoncé qu'on n'allait pas devoir "opérer sur mon corps" (merci) et m'a autorisée à sortir me promener dans le parc (code pour "aller m'en griller une") du moment que je prévenais les infirmières. Il m'a aussi annoncé qu'ils allaient me garder une nuit supplémentaire: pas de problème, je suis comme chez moi ici, maintenant. En plus je suis l'attraction locale pour tous les personnels (infirmières, hommes de ménage, internes, malades, secrétaire qui galère avec la paperasse inter-européenne et ne comprend pas que je n'ai pas d'adresse en France...).

Le temps a donc passé, ponctué de conversations en anglais avec Györgyi, de sorties (rares) dans le parc, de mini-conversations en hongrois avec les infirmières (j'ai fini par en trouver une qui parlait allemand, alors on pouvait papoter un peu plus), de visites des médecins et de Mlle R., de la lecture vorace d'un semi-polar saupoudré de surnaturel pour public féminin dédicacé par l'auteur, rien que ça.

Mardi matin, j'ai eu le droit de manger: un petit déjeuner (en photo) et un déjeuner (pas de photo, je me suis jetée dessus, c'était une soupe bouillon-patate-carotte-panais-porc et deux énormes "chaussons" au tùrò en dessert).


Et puis ils m'ont libérée sans plus de détails, aucune idée de l'origine du problème, aucun médicament à prendre, aucun régime à suivre...
J'ai dit au revoir à toutes mes nouvelles copines et j'ai sauté dans un taxi.


Depuis, je me repose, j'essaie de manger sainement et j'ai beaucoup moins mal même si je ne suis pas encore au top de ma forme (j'ai un ventre énorme, des ballonnements, et je suis fa-ti-guée). J'ai fini par avoir un RDV avec un médecin pour un minimum de suivi, verdict samedi matin.

Et vivement que je reprenne le boulot, ça voudra dire que tout va pour le mieux!

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